jeudi 15 novembre 2012

Delhi recto, verso et in extenso

Je ne remercierai jamais assez le bon vieux Guide du Routard des lieux qu'il m'a permis de voir à Delhi. Mais je me dois encore une fois d'avertir les âmes sensibles qu'il ne peut y avoir de visite culturelle de Delhi sans passer par différents lieux religieux...



Et pour commencer, vous n'échapperez pas à ce magnifique Christ psychédélique de la cathédrale du Sacré Coeur.
Ensuite un des plus beaux lieux de la ville, le tombeau d'Humayun, empereur moghol du XVIe siècle.
Pas loin, le pittoresque quartier musulman Nizam-ud-Din. Le Routard m'avait prévenue : dans ce dédale, impossible de trouver son chemin tout seul. Mais comme je suis un peu bornée et timide, je m'acharne quand même à tourner dans les ruelles au milieu des carcasses de viande (ça faisait longtemps que je n'en avais pas vues... beu... ça me manquait pas en fait). Au moment où je désespère, je trouve enfin l'entrée d'un pâté de maison bizarre où se mêlent tombes, mosquées, habitations et boutiques. On ne sait même jamais trop si on est dedans ou dehors, ni, comme dit mon copain Routard, "à quel moment enlever ses chaussures".
La découverte de ce lieu musulman me permet d'identifier ce qui, dans ce que je vois et ai vu jusqu'à présent, relève de la culture indienne (nationale) plutôt que de la culture hindoue (religieuse). En effet, que ce soit pour la tombe ci-dessous ou le mausolée qui suit, difficile d'identifier des signes musulmans distinctifs, à part les écritures ourdoues ou arabes (l'ourdou est une langue empruntant à l'hindi, à l'arabe et au persan parlée par les musulmans indiens), la tenue des hommes ou quelques hijabs.
Pour le reste, même iconographie, mêmes colliers de fleurs oranges, mêmes offrandes, mêmes dorures, mêmes adorations, architecture similaire (à vue de nez, je ne suis pas spécialiste). La majorité des femmes portent un voile façon indienne...
En rentrant de ce quartier de New Delhi, je traverse cette gare routière qui ressemble en l'occurrence plus à un camp de réfugiés. Des tas de gens, des familles, préparent le dîner à même la route ou sur de la terre juchée d'ordures. Regroupés autour de petits réchauds ou de feux de camp, je ne sais pas s'ils attendent un car ou s'ils vont passer la nuit ici. Ambiance étrange...
Le lendemain, c'est Old Delhi que je visite, à commencer par le Chandni Chowk, marché populaire en effervescence particulière puisque vient de commencer la fête hindoue de Diwali.
NB : je n'ai pas beaucoup de photos de l'état de la rue en ces circonstances car dans ce genre de cas il faut choisir entre prendre la photo ou rester en vie.
Heureusement qu'il y a des petits endroits calmes pour se réfugier, comme cette vieille mosquée du 13e siècle...
...ou ce petit parc dédié à Gandhi (remarquez la bêbête qui s'est invitée par hasard sur la photo !)
Diwali, c'est la fête des lumières, la plus joyeuse de l'hindouisme. Elle signifie le passage à la nouvelle année hindoue, où les Indiens ont l'habitude d'acheter de nouveaux vêtements ou de refaire les peintures de leur maison. Les gens allument de petites bougies partout devant les maisons, les boutiques, sur les marches des restaurants et des hôtels. Ici devant le Gurudwara Sis Ganj.
Le Gurudwara est un ensemble de constructions de la communauté sikh. Le sikhisme est cette religion dont on reconnaît les hommes aux turbans savamment noués sur leurs têtes. Fondée au 15e siècle par le Guru Nanak, cette religion conserve de l'hindouisme la croyance en l'incarnation et le karma, mais avec une base théologique fondamentalement monothéiste très proche de l'islam. Le sikhisme s'oppose au système de castes et prône un égalitarisme inédit, y compris entre hommes et femmes. Au XVIIe siècle, en réaction à la persécution dont ils font l'objet, un ordre chevaleresque sikh est créé, le Khalsa. Les Sikhs représentent 2% de la population indienne.
Dans leur temple, les femmes jouent de la musique. Tout le monde a la tête couverte, y compris les petits enfants avec des bouts de tissus tous plus dorés et scintillants les uns que les autres. Les Sikhs ont bonne réputation en affaire, c'est une communauté riche et cela se voit sur leur lieu de  culte.
Juste à côté, un temple jaïn et surtout leur hôpital pour oiseaux que malheureusement je ne peux pas visiter (il paraît que ça vaut le coup d'oeil).
Toute autre dimension : la grande mosquée Jama Masjid peut accueillir jusqu'à 25 000 fidèles. Pas facile de la faire rentrer dans le cadre de la photo tellement elle est immense.
Magnifique monument du XVIIe siècle, légèrement surélevé, qui me rappelle la splendeur des mosquées d'Istanbul
...et offre un point de vue unique à 360° sur le Fort rouge et les quartiers de la ville.
Au milieu de la grande cour, des enfants jouent dans un grand tas de sable qui s'avère être en fait un tas de grains (maïs ?) pour les pigeons.

Même couleurs de pierre rouge, même époque, avec l'immense Fort rouge que je visite au pas de course avant qu'il ne ferme. De ces lieux figés dans une autre époque.
La façon dont les Indiens, qui payent un modique prix d'entrée, s'emparent de ce lieu historique me fait réfléchir. Alors que les touristes étrangers osent à peine toucher les pierres incrustées, les locaux viennent ici pour que les enfants puissent courir et grimper partout, et les parents piquer niquer tranquillement, comme dans un jardin public. A peine un regard aux architectures "d'époque". Mais des rires. Tous les lieux morts devraient continuer à vivre ainsi, envahis par le quotidien insignifiant du peuple d'aujourd'hui.
Je rentre à la nuit tombée en traversant le quartier de Chandni Chowk. Les boutiques se ferment une à une, et je me retrouve à demander mon chemin dans des ruelles labyrinthiques plongées dans le noir complet, sauf quelques bougies de Diwali. Seuls les quelques derniers passants que je croise me permettent de sortir du dédale. Pas mécontente de trouver la station de métro...
Plus tard, dans le quartier de New Delhi, je fête Diwali dans un resto tibétain sur une terrasse qui me donne une belle vue sur l'animation des rues. C'est un festival de pétards et de feux d'artifice dont je profite toute la nuit (les murs de ma chambre semblent être faits de carton).
Dernière journée en Inde, et il y a un endroit que je veux encore visiter. Le Temple du Lotus est un lieu moderne construit par une des religions les plus récentes au monde : le baha'isme, né en Perse, d'une dissidence de l'islam chi'ite. Cela pourrait-il être une synthèse de toutes ces religions que j'ai découvertes ici ? Le Temple en forme de lotus est au milieu d'un immense parc aux arbres bien taillés, il faut faire la queue sagement avant d'entrer dedans. Le bâtiment a étonnamment la sobriété d'un temple protestant. Ici pas de fioritures, de divinités, d'icônes, d'offrandes... Juste une grande voûte lumineuse, un grand silence et des bancs pour se recueillir. A la sortie des adeptes de différentes origines distribuent des tracts en toutes langues. J'entame la discussion avec l'un d'eux pour mieux comprendre cette religion fondée au XIXe siècle. Mais pas très convainquent... De grands principes universalistes de Paix, d’Égalité, d’Éducation..., la reconnaissance de tous les prophètes jusqu'au dernier, Baha'u'llah, la volonté d'une langue commune... "La Terre n'est qu'un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens". Au final, une religion mondialisée qui se veut synthèse des autres religions mais revendique une Église très traditionnellement organisée et un projet politique pour le monde entier, avec des relations paradoxales avec le pouvoir et avec l'islam.

J'ai rendez-vous ensuite dans un quartier résidentiel de New Delhi, avec un des responsables indiens de la campagne internationale BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions contre l’État d'Israël). Je compare leur contexte et leur stratégie avec ceux en France. Beaucoup d'évolutions sont similaires, même s'il est clair qu'au pays de Gandhi, le boycott est un outil d'action évident et le fait de poursuivre en justice des promoteurs du boycott ne viendrait pas à l'idée de la justice indienne !

Ce sont mes derniers pas à Delhi, et je repasse dans cette ruelle qui m'avait beaucoup marquée juste en arrivant, il y a un mois et demi. Les constructions qui bordent la rue sont indéfinissables, avec des gens au premier étage d'échoppes branlantes qu'on voit vaquer à leurs activités quotidiennes entre quelques murs vacillants. Difficile de dire si ces murs ont été ceux d'une maison ou s'ils sont destinés à le devenir un jour...
Je me rends en soirée à l'aéroport d'où je prendrai l'avion demain matin tôt.

Dans l'avion

Silence sur silence.
Ce grand ciel muet, dans l'infini duquel personne n'est là pour entendre le vacarme de l'avion qui passe. 
Dans l'avion, le sommeil règne. Seules quelques lumières çà et là et la veille discrète d'un steward témoignent du silence lourd des passagers entre deux terres.
Mon corps, cette enveloppe au repos, stabilisée dans un fauteuil feutré. De légères vibrations, juste assez pour sentir que ce n'est pas la mort. Mais encore dedans, mon esprit sans repos qui se retourne et se retourne encore, à la recherche du lieu où se poser vraiment. Toujours cette émotion du retour faite de gratitude de tout ce vécu et surtout cette crainte de ne pas savoir utiliser cette expérience pour ma suite. Penser à tous ces Indiens rencontrés, qui m'ont saluée si gentiment. Et maintenant, passer à l'action !

1 commentaire:

  1. Post-Nice sur l'Inde incroyable. L'Union dans la diversité est identité de l'Inde. Ici les gens vivent avec une religion différente, ils sont reliés entre eux avec la confrérie de liaison de la culture.

    Tour opérateur Inde et agence de voyage

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